Journal de bord d’une novice (ou presque) – jour 6
Championnats du monde 49er et 49er FX, 2013 Marseille
Malgré tout ce qu’ont voulu me faire croire les concurrents que j’ai interrogé ces derniers jours, l’ambiance a bien changé aujourd’hui. 20 nœuds de vent annoncés et des places en finale au menu : les bisounours tombent les masques et les compétiteurs dévoilent leurs visages assoiffés de victoire.
« L’essentiel n’est pas de gagner mais de participer », disait Pierre de Courbetin, le papa des Jeux Olympiques modernes. Mouais… A ce stade de la compétition et par ces conditions météo, c’est plutôt l’autre devise olympique « Plus vite, plus haut, plus fort » que j’observe sur l’eau. Hier soir, le jury de course – véritable tribunal de la voile – a enregistré 16 réclamations, dont une, qui propulse les français Dyen et Christidis de la 4ème à la 2ème place au classement général de la flotte « Or » ! Même place pour Sarah Steyaert et Julie Bossard, qui cachent bien leur jeu, elles si humbles quand je les ai rencontrées en début de semaine et qui aujourd’hui sortent les griffes pour défendre ce podium.
Ce sont d’ailleurs les premières à s’élancer sur le plan d’eau, pour les 4 manches déterminantes du jour. 10 nœuds de vent à 10h, puis comme prévu l’anémomètre s’emballe. Je ne vous raconte pas le détail (c’est bien mieux expliqué ici et là), mais le classement général parle de lui même. Au retour à terre, je croise Lili et Violette, 3ème françaises et 39ème au général, qui s’activent pour dégréer avant d’aller s’étirer. « Après 3 semaines d’entraînement, physiquement on est dans le rouge. J’ai les bras carbonisés et j’ai encore beaucoup de progrès à faire en cardio. » m’avoue Violette, 22 ans, qui s’entraîne à Marseille mais finit ses études de commerce à Lille. La barreuse, Lili, élève ingénieur de 21 ans, confirme : « On a beaucoup de travail physique à faire si on veut être au top, mais c’est difficile de concilier études et haut niveau sportif. A un moment on va devoir choisir, c’est sûr ».
Olivia (10ème au classement général), australienne de 21 ans et sportive de haut-niveau depuis qu’elle en a 16, s’est décidée à entrer en 1ère année de Sciences politique par besoin, dit-elle, de se changer un peu les idées de temps en temps. Et aussi pour garder une porte de sortie, elle qui, après les JO, rêve d’une carrière de journaliste. La brésilienne Gabriela (45è) en revanche est ravie d’avoir enfin pu quitter les bureaux de la chaîne TV pour laquelle elle travaillait jusqu’à cet été, pour se consacrer à temps plein au 49erFX. Bien que ce soit un sacrifice, reconnaît-elle: « Ça n’a rien à voir avec un boulot qui occupe tes journées, point barre. Faire de la voile à une niveau olympique modifie aussi la manière dont tu manges, dont tu te reposes, ça modifie ta vie en fait ! ». Et Olivia de me confirmer que côté vie privée, c’est aussi très compliqué… « On est à Marseille depuis un mois pour s’entraîner, et en Europe depuis 2 mois. Et c’est comme ça à chaque régate internationale. Comment tu veux qu’un mec te suive dans ce délire ? » A moins d’en trouver un qui soit dans la même team, lui demandais-je, naïvement (l’équipe d’Australie compte 8 équipages à ces mondiaux, dont 5 masculins)… Olivia éclate de rire, et retourne à son bateau en rougissant.
Comme je n’écris pas non plus pour Closer, je n’ai pas creusé cette piste du côté des garçons (bien que l’idée m’aie effleuré, ok). Avec eux en revanche, j’ai parlé gros sous. Et ce qu’on peut en dire, c’est que c’est loin d’être une bagatelle que de pouvoir faire de l’olympisme en voile ! Entre le coût du 49er (25 000€), son affrètement pour chaque régate internationale (les néo-zélandais ont même deux bateaux par équipage : un en Europe et un chez eux), l’équipement des coureurs, le logement, la nourriture, le salaire d’un entraîneur (plus éventuellement d’un préparateur physique ou d’un kiné), les frais d’inscription, le matériel à remplacer en cas de casse… « Ça peut vite monter jusqu’à 20 000€ par équipier pour une régate loin de chez soi. Et on peut compter près de 100 000€ par an pour chaque sportif qui fait un circuit international », d’après Ben Remocker, ancien athlète olympique en 49er devenu secrétaire international de la classe. “C’est pour ça qu’on met le paquet sur les vidéos et la promotion de ce sport pendant les grands régates, on espère attirer des sponsors et alléger un peu la charge financière qui pèse sur ces sportifs et bien souvent leurs familles.”
Bien souvent tout cet argent n’est pas à la charge des coureurs. Pour les meilleurs il y a les fédérations et les sponsors qui prennent en charge tout ou grande partie des frais, certains parviennent même à en vivre. Mais leur niveau de vie est loin d’être mirobolant, et très rares sont ceux qui arrivent à gagner suffisamment d’argent pour « être à l’abri ». La plupart se recyclent, une fois leur carrière d’athlète derrière eux, dans des métiers autour du sport. A l’image de Dimitri Deruelle, organisateur de la course, et navigateur touche-à-tout : « C’est un choix, qui peut sembler sacrificiel, mais que l’on fait par instinct. On bricole, on s’autorise à gagner moyennement sa vie par amour de ce sport. Et évidemment aussi par esprit de compétition. Tout le monde veut gagner, sinon personne ne ferait autant de sacrifices ! ».
L’important c’est de participer disions-nous ?
J’irai demander ça demain aux 2 équipages néo-zélandais qui finissent en tête du classement aujourd’hui, après une journée très éprouvante par 25 nœuds de vent… A propos, cocorico, en plus de Julie et Sarah, 2ème au général des 49er FX, Stéphane, Manu, Julien et Noé sont assurés d’être dans le top10 des 49er. Demain à 12h, ils prendront le départ des Medal Races pour le titre tant convoité de….. chaaaampion du monde !!!
A suivre en direct dès 10h sur Dailymotion.
A domani !
Flavia
Lire le journal de bord des jours précédents :
Lundi : “Journal de bord d’une novice (ou presque)”
Mardi : “Et c’est parti pour le show !”
Mercredi : “Derrière le rideau”
Jeudi : “La guerre des nerfs”
Vendredi : “La passion, tout simplement.”